Cumul d’emplois dans la fonction publique

Les règles relatives au cumul d’emplois dans la fonction publique sont très encadrées.

Selon les dispositions de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, si les fonctionnaires ne doivent en principe pas cumuler leur activité publique avec une activité privée, ce principe souffre de plusieurs exceptions.

  • La possibilité de cumuler de manière générale

La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, consacre, à son article 25 septies, le principe général suivant lequel « le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. »

Des exceptions à la règle dite de non-cumul sont ainsi prévues par ce même article.

Trois exceptions doivent ici être détaillées.

  1. L’exception dite des « 70 % »

Trois conditions doivent ainsi être remplies pour pouvoir exercer une activité privée lucrative sur ce fondement :

  1. Occuper un emploi permanent à temps non complet ou incomplet de maximum
    70 % ;
  2. Déclarer cette activité à l’administration ;
  3. De manière générale, ne pas exercer une activité incompatible avec le service.
  1. L’exception dite de « l’activité accessoire »

Cette exception a l’avantage de ne pas contraindre l’agent public à modifier son temps de travail exercé pour l’administration.

L’article 6 du décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 relative à l’exercice d’activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d’activités et à la commission de déontologie de la fonction publique fixe la liste des activités exercées à titre accessoire susceptibles d’être autorisées.

Pour profiter de l’exception dite de l’activité accessoire, l’activité doit ainsi faire partie de la liste fixée et être compatible avec les fonctions publiques.

  1. L’exception dite de « la création ou de la reprise d’entreprise »

Sur le fondement de cette exception, les conditions à remplir sont les suivantes :

  • être à temps partiel dont le minimum est le mi-temps ;
  • que les nécessités de la continuité et du fonctionnement du service le permettent ;
  • que l’organisation du travail puisse être aménagée.

A noter également, pour obtenir une autorisation sur ce fondement, il convient de créer ou de reprendre une entreprise.

La question reste entière dans le cas d’une continuation d’une entreprise. Peut-on considérer cela comme une création ou une reprise ?

Par ailleurs, cette exception est enfermée dans des conditions de temps.

En effet, il est prévu expressément que l’autorisation ne puisse pas dépasser 3 ans.

Cette exception semble ainsi moins avantageuse car elle ne permet pas d’exercer éternellement une activité privée, alors que l’exception dite des 70% ne semble pas être cantonnée à une limite temporelle.

Cependant, nous attirons votre attention sur le fait qu’actuellement de nombreuses administrations ont tendance à « grouper » ces deux exceptions (70% & création d’entreprise).

En effet, nombreuses sont les administrations qui obligent leurs agents qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise à demander un temps partiel inférieur ou égal à 70%, tout en limitant l’autorisation dans le temps.

Tel n’est pas le sens que nous donnons aux dispositions de l’article 25 septies qui selon nous distinguent bien les deux hypothèses.

A notre connaissance, les juridictions n’ont pas encore eu à trancher ce différend, c’est pourquoi nous pensons qu’articuler les deux exceptions s’avère plus sécurisé dans votre cas d’espèce.

  • Les sanctions attachées au non-respect de ces obligations

Selon l’article 25 septies de la loi de 1983 :

« VI. – Sans préjudice de l’engagement de poursuites disciplinaires, la violation du présent article donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur traitement ».

Il convient de distinguer les sanctions disciplinaires des demandes de remboursement.

Ces deux procédures sont indépendantes, l’une n’excluant pas l’autre et l’une n’étant pas indispensable à la mise en œuvre de l’autre.

Il est jugé que :

« la nécessité d’obtenir une autorisation de cumul avant d’exercer une activité privée lucrative est une obligation qui s’impose à tout fonctionnaire et agent public en application de dispositions législatives établies de longue date, que le remboursement des sommes perçues sans autorisation n’a pas le caractère d’une sanction […] » (CE, 6 avril 2016, n° 389821).

En d’autres termes, le cumul illégal d’activités peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires ainsi qu’à une demande de remboursement.

Premièrement, s’agissant des sanctions disciplinaires, selon les dispositions de l’article 29 de la loi n° 83-634 susvisée :

« Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. »

Est ainsi constitutive d’une faute disciplinaire, le fait de ne pas respecter l’interdiction de principe d’exercer une activité privée lucrative (CE, 8 octobre 1990, n° 107762).

L’article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière précise les sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre d’un agent de la fonction publique hospitalière :

« Premier groupe :

L’avertissement, le blâme ;

Deuxième groupe :

La radiation du tableau d’avancement, l’abaissement d’échelon, l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ;

Troisième groupe :

La rétrogradation, l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ;

Quatrième groupe :

La mise à la retraite d’office, la révocation. »

Dans l’hypothèse d’un cumul illégal d’activités, et à titre d’exemples, il a pu être prononcé comme sanction :

  • Une révocation pour une infirmière d’un centre hospitalier qui avait conclu avec un établissement privé de convalescence un contrat de travail à durée indéterminée (CE, 15 février 1999, n° 190226) ;
  • Une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans pour un sous-brigadier qui a participé à l’exercice d’une activité privée lucrative par l’intermédiaire du commerce tenu par son épouse (CAA Marseille, 15 novembre 2005, n° 02MA00455) ;
  • Une révocation pour un agent de maîtrise principal qui exerçait, sans autorisation, en lien avec son épouse, une activité lucrative privée par l’intermédiaire de deux sociétés (CE, 16 juillet 2014, n° 355201).

Nous rappelons également que « le refus de communiquer à son employer, dans le délai imparti à cet effet, le relevé de ses activités extérieures et les rémunérations perçues à ce titre durant les trois dernières années, en distinguant celles relevant d’activités privées et celles relevant d’activités publiques, constitue, à lui seul […]  une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire » (CAA Nancy, 2 décembre 2010, n°09NC01852).

Deuxièmement, il peut être demandé le remboursement des sommes perçues irrégulièrement :

« que la circonstance, à la supposer avérée, que l’Université Nancy II avait connaissance du stage rémunéré effectué par la requérante ne dispensait pas celle-ci de solliciter expressément l’autorisation de cumuler son emploi et sa rémunération en sa qualité d’allocataire de recherche et de moniteur avec l’emploi et la rémunération en qualité de stagiaire d’un cabinet d’avocats ; que, dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l’Université Nancy II était fondée à demander le reversement des sommes illégalement perçues par Mlle X au titre de ses contrats d’allocataire de recherche et de monitorat, sans que puisse y faire obstacle les circonstances que l’administration n’a pas engagé de procédure disciplinaire à son encontre, qu’elle s’est vu refuser le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi et qu’elle a effectué la totalité de ses travaux dirigés et assuré l’ensemble de ses activités annexes à l’Université ; que le reversement des sommes irrégulièrement perçues en méconnaissance de la règle du non-cumul ne constituant pas une sanction financière, Mlle X ne saurait davantage faire utilement valoir que ses contrats ne prévoient pas la possibilité de sanctions financières en cas de cumul non autorisé » (CAA Nancy, 6 août 2009, n° 08NC01097).

La Cour administrative d’appel de Paris précise qu’il s’agit des « rémunération privées qu’il lui était interdit de cumuler avec le traitement attaché à son emploi public » (CAA Paris, 4 mars 2004, n° 03PA00861).

Cet arrêt est important en ce qu’il rappelle que :

  • peu importe que l’administration ait été ou non au courant du cumul, la demande de remboursement est justifiée ;
  • l’absence de sanction disciplinaire n’empêche pas la demande de remboursement des sommes illégalement perçues ;
  • la demande de remboursement des sommes n’est pas une sanction financière.

Le cumul d’un emploi public avec une activité privée lucrative est donc un réel sujet encadré par les textes mais encore peu traité en jurisprudence qu’il convient de ne pas prendre avec légèreté en raison des sanctions encourues, tant financières que disciplinaires.